Corps en feu - Marc Perrin

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je ne suis pas seulement là pour marcher

je ne suis pas seulement là pour durer

cependant
l’éternité est la seule valeur qui tienne en vie mon corps au présent

je suis
une lumière ténue
je suis une aspérité
à la face du soleil

je suis l’opéra des choses
et pas à pas
je suis ce pays défaisant pierre à pierre ses murs anciens

je suis la ruine de ses maisons vides et pas un corps n’est plus vivant que moi

je suis une incompréhension soudaine
pas plus
pas moins
je suis une très tendre incompréhension par laquelle ensemble nous accédons
à l’inédit
d’un vertige
sans maison
sans pierre

nos corps
savent ce qu’ils font
toujours

nous sommes cette constellation consciente
concrète
et nous abolissons les espaces clos

nous sommes une rumeur des plus chaudes
nous sommes un gémissement de plaisir
dans les chambres éternelles
des grands déserteurs

nous sommes un mouvement d’amour insolent
orgueilleux
rieur
insouciant
et très conscient de l’état du monde

notre désertion : est très active dans le monde en son état
nos corps amoureux : sont des feux très concrets en action dans un monde sans État




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ce qui brûle
et que tu aspires
ce que tu allumes
et que tu aspires
ce néant partout par lequel rien de toi ne sombre
ce manifeste plein d’orgueil
plein de lumière
que chaque jour tu rédiges
lumière
lumière
le soleil qui n’attend pas

et si rien s’oppose à ce qui est
chaque pas de toi se fait par la joie de ne rien achever

je perds enfin le sens de la vieille orientation
je marche enfin sans lumière préalable
je m’ouvre enfin à des jours sans savoir
enfin je ne cherche plus à retrouver

je suis en feu je le sais
chaque corps qui m’approche le sait

je suis en feu
mon corps
sait qu’il n’est pas seul dans ce feu
mon corps
sait qu’il est en feu car un autre corps est en feu
mon corps
sait qu’il est en feu car d’autres corps sont en feu
c’est ainsi
que le monde continue de vivre
par des corps en feu qui font l’expérience d’un bonheur insolent
au plein cœur du pire