Après la lutte - Éric Pessan
[en écho à...]
Les luttes éteintes
plus aucun bruit
un silence presque parfait
un clapotis
une mer à l’étale
sans un mouvement
une vaste surface immuable et sans bornes
et ceux qui nagent en silence
ceux qui nagent pour survivre
qui pourtant hier encore citaient ironiquement le vieux Beckett
« Car je me suis toujours dit : Apprends à marcher d’abord ensuite tu prendras des leçons de
natation »
plus le choix
plus de recours à l’ironie
nager et avancer
ceux qui s’immobilisent saisis par le froid
ceux-là coulent
ils sombrent sous la surface calme
ils ont perdu la lutte
peut-être ont-ils renoncé par lucidité
comme ces marins qui préféraient ne pas savoir nager
pour abréger leurs souffrances en cas de naufrage
d’autres font de grands mouvements têtus opiniâtres
quelque chose les pousse à espérer
à guetter les moutonnements à l’horizon
une rive ?
rien pourtant n’est moins certain
mais ils nagent presque joyeusement
décomptant dans leur tête le passage du temps
pourtant la cause est la même
inexpliquée
et les gestes reviennent au même
deux fuites
deux destinations
deux échappées peut-être illusoires
ne pas se laisser faire (quitte à se tromper)